Durant l’Antiquité, ce secteur est situé à l’extérieur de la ville gallo-romaine, Divodurum. Dans le quartier du Sablon se concentrent alors plusieurs zones de nécropoles qui s’étalent au sud de la porte Serpenoise, le long de la voie romaine qui reliait Metz à Lyon (actuelles rue du XXe-Corps-Américain et rue Franiatte). Depuis le XIXe siècle, les sablières qui y étaient exploitées livrent régulièrement des vestiges funéraires de cette époque : stèles, sarcophages, urnes cinéraires… Ces découvertes s’amplifient au début du XXe siècle, au cours de la Première annexion allemande, grâce à l’intérêt que porte à ces vestiges le directeur des Musées de Metz, Johann Baptist Keune. Celui-ci relève et collecte l’essentiel de ces objets pour les déposer dans son établissement.
J. B. Keune, directeur des Musées de Metz, avec ses deux enfants devant un sarcophage en plomb antique découvert en 1905 dans une sablière du Sablon (© Musée de La Cour d'Or - Metz Métropole)
Avec l’urbanisation du quartier décrétée par l’empereur Guillaume II en 1899, il devient nécessaire de démanteler les anciennes fortifications disséminées partout dans le Sablon, comme la lunette d’Arçon, construite en 1791. Entre 1903 et 1912, la destruction de l’ouvrage permet la mise au jour d’éléments de la nécropole antique, mais aussi de l’ancienne abbaye Saint-Arnoul. Rasés par le duc de Guise en préparation du siège de la ville par Charles Quint en 1552, les derniers vestiges de l’édifice disparaissent au cours du XVIIIe siècle. Dès les premières découvertes, le chanoine R. S. Bour, alors professeur d’art religieux au Petit-Séminaire de Montigny et proche de J. B. Keune, identifie très rapidement l’ancienne abbaye.
Vue générale de la crypte de l'église abbatiale Saint-Arnoul dégagée en 1905. On distingue les fosses ayant accueilli les sarcophages des membres de la dynastie carolingienne. Autour, on ne distingue plus rien de l'ancienne abbaye, complètement rasée à l'époque moderne (© Musée de La Cour d'Or - Metz Métropole)
Fondée vraisemblablement au VIe siècle, l’abbaye Saint-Arnoul est alors une simple église sous le vocable de Saint-Jean-l’Évangéliste. Elle sert de lieu de sépulture à l’aristocratie mérovingienne. Après la translation de reliques de l’évêque Arnoul, ancêtre de la dynastie carolingienne, elle prend de nom de Saint-Arnoul au VIIIe siècle. Elle accueille les décennies suivantes les sépultures de la famille impériale, comme Hildegarde, épouse de Charlemagne, et leur fils, l’empereur Louis le Pieux. Reconstruite au XIe siècle, l’abbaye est pillée lors du siège de 1444, avant d’être détruite en 1552.
A partir des relevés de la fouille de 1905 et la reconstitution du plan de l'abbaye par R. S. Bour, il est possible de situer avec précision l'emplacement de la lunette d'Arçon et de l'ancienne abbaye Saint-Arnoul (Cartographie et DAO : J. Trapp - Historia Metensis)
Les travaux surveillés par J. B. Keune et R. S. Bour en 1905 ont permis de relever les vestiges de la crypte, seul élément ayant survécu aux destructions, permettant ainsi de cartographier l’emprise de l’ancienne abbaye. R. S. Bour a par ailleurs publié une des très rares synthèses sur le sujet, retraçant l’histoire de l’abbaye en mêlant les observations archéologiques avec les données issues des archives.
Le sarcophage de l'empereur Louis le Pieux est un des rares vestiges de l'abbaye Saint-Arnoul ayant survécu aux destruction de la Révolution française. Il s'agit d'un réemploi d'un sarcophage en marbre antique (© Musée de La Cour d'Or - Metz Métropole. Inv. 12335)
Malheureusement, les documents conservés aujourd’hui au Musée de La Cour de Metz, montrent qu’il ne restait déjà plus rien de l’abbaye en 1905, excepté la crypte de l’église abbatiale, partie la plus basse de l’édifice. L’absence de vestiges a été confirmée par un diagnostic archéologique réalisé par le pôle d’archéologie préventive de Metz Métropole en 2013. Depuis 1552, les sépultures impériales avaient été transférées dans la nouvelle abbaye (actuel Cercle des Officiers), avant d’être pillées et détruites lors de la Révolution française. Seule une partie du sarcophage de Louis le Pieux a pu être sauvée et est encore aujourd’hui conservée au Musée de La Cour d'Or, en faisant, avec les stèles antiques, une des principales richesses de l’histoire messine.
Stèle gallo-romaine dite "d'Aeolia" mise au jour lors du démantèlement de la lunette d'Arçon en 1905 (© Musée de La Cour d'Or - Metz Métropole. Inv. 2012.0.59)
Pour en savoir plus
Roch Stephan Bour, « Die Benediktiner-Abtei St. Arnulf vor den Metzer Stadtmauern. Eine archäologische Untersuchung », Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde, vol. 19, 1907, p. 1-136.
Roch Stephan Bour, « Die Benediktiner-Abtei St. Arnulf vor den Metzer Stadtmauern. Eine archäologische Untersuchung », Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde, vol. 20, 1908, p. 20-120.
Johann Baptist Keune, « Sablon in römischer Zeit », Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde, vol. 15, 1903, p. 324-460.
Julien Trapp, L’archéologie à Metz. Des antiquaires à l’archéologie préventive (1750-2008), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 58-61.
Julien Trapp et Sébastien Wagner, Atlas historique de Metz, Metz, Paraiges, 2013, p. 63-65 et 119.