• Jacob de Keskastel, bombardier de la cité de Mets, aux origines de la tour Cammoufle

    Jacob de Keskastel, bombardier de la cité de Mets, aux origines de la tour Cammoufle .... 

     

    Étant un des rares vestiges de la fortification médiévale,  la tour Cammoufle domine encore aujourd’hui l’avenue  Foch à Metz. La chronique de Philippe de Vigneulles,  rédigée dans la première décennie du XVIe siècle,  rapporte :

    « En celle meisme année (1437), fut faicte en Mets la tour en Champ à Panne, qu'on dit à présent la tour Commoufle, laquelle est belle et bien deffendable et necessaire pour deffendre celle partie. Et fut faite, comme l'on dit, à la requeste et remonstrance d'ung bombardier qui se nomoit Commoufle, duquel on disoit qu'il tiroit, trois fois le jour, où il voloit, et qu'il usoit d'art magicque : et pour ces choses et plusieurs aultres, il fut envoié à Rome pour estre absous de cest pechié. Mais touttesfois au nom de luy fut celle tour ainsy appellée. »

     

    Les registres du receveur de la cité contiennent plusieurs quittances[1] dans lesquelles mention est faite d’un Jacob (Jakob, Jacot, Jacquot) de Castel, dit Kommoff (Commoff, Comeoff). Il est donné comme originaire de Keskastel, petit village sur les rives de la Sarre, dépendant de l’abbaye de Herbitzheim (c’était notamment la résidence du prévôt de cette abbaye) aujourd’hui situé dans le département du Bas-Rhin, mais se trouvant alors dans la partie germanophone du diocèse de Metz.

    Ce surnom de « Commoffle » lui fut sans doute attribué d’après une locution familière qui l’aurait caractérisé : « kome uff »[2]. Aufkommen en allemand moderne signifie notamment : réussir, gagner, avoir du succès ; il serait ainsi possible de le traduire comme « Gagné », « J’l’ai eu » ou « Dans le mille » en rapport avec une adresse au tir reconnue de tous et qui lui vaudra selon la tradition, quelques démêlés avec l’Inquisition. La tradition locale rapporte en effet qu’il dut aller se justifier en cour de Rome d’une inculpation de sorcellerie en rapport avec une habileté rapidement qualifiée de « démoniaque » au tir.

     

    Le personnage émarge comme soldoyeur au service de la cité de janvier 1429, n.st 1430 (HMB, p. 216) au 30 novembre 1434 (quittance générale en quittant le service de la cité, HMB, p. 321). On le voit néanmoins reparaitre, toujours comme soldoyeur, à partir de mars-avril 1438 (HMB, 453) jusqu’en novembre-décembre 1443 (HMB, p. 298).

     

    Jacob de Keskastel, bombardier de la cité de Mets, aux origines de la tour Cammoufle

     

    La Chronique dite de Praillon (Huguenin, p. 205) rapporte l'un de ses faits d'armes :

    « 1439 (nouveau style) Le quatriesme jour dudit mois de febvrier, arrivait à Noviant sus Muzelle, le seigneur de Panesach, capitaine de France, acompaignié de plus de huit cents chevaulx, et courrurent à Corney et à Joiey, et tuont ung home à Corney. … Et les seigneurs de Mets firent faire une neif batelliere (sic pour bataillère) où ilz mirent plusieurs compaignons de guerre en icelle ; et furent commis pour chiefs et capitaines d'icelle neif Jaicomin Symon, et ung soldoyeur, appellé Comoffle, laquelle fut conduite à mont l'yawe jusques en droit Noviant (Novéant). Et ceulx qui estoient en icelle neif, se portont si vaillamment que lesdits Gascaires (Gascons) ne polrent venir à Ancey ne à Airs, où ilz avoient grant volloir de logier, et les tinrent si court qu'il fut force ausdits Gascaires de eulx partir de Noviant, et s'en allerent logier à Saincte Marie aux Chesnes, à Sainct Priveis la Montaigne et à Raucourt. »

    Absent des listes de janvier 1444 comme de celles qui suivent, on le retrouve comme maitre de bombarde pour la période du 1er novembre 1444 au 31 mars 1445, au cours de laquelle il est payé par quart d’an à 48 sols le mois (HMB, p. 437). Il est ainsi attesté comme l’un des onze maitres de bombarde au service de la cité pendant la guerre de 1444. Dans l’état actuel de notre documentation, on ne trouve plus aucune trace de lui par la suite.

     

                                                                  Pierre-Édouard Wagner, Conservateur en chef des Bibliothèques-Médiathèques de Metz


    [1] Éditées dans l’Histoire de Metz des Bénédictins Preuves tome V p. 216 et suivantes.

    [2] Kumof et Kommof se rencontrent également comme patronyme aux XVe et XVIe siècles en Allemagne rhénane comme en Bavière.


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